Gestion forestière et
diversité biologique
Identification et gestion intégrée
des habitats et espèces d’intérêt communautaire
(France, Domaine atlantique).
(Rameau J.C., Gauberville C. et Drapier N., 2000).
Gestion forestière et
diversité biologique
Identification et gestion intégrée des habitats et espèces
d’intérêt communautaire (France, Domaine atlantique).
(Rameau J.C., Gauberville C. et Drapier N., 2000).
L'année 1992 restera comme
une date décisive sur le plan environnemental.
Lors du "Sommet de la Terre", à Rio, de nombreux textes concernant
de nouveaux concepts aujourd'hui presque familiers ont été signés
par les 170 pays représentés : Charte de la Terre, Convention
sur les changements climatiques, Convention sur le maintien de la diversité
biologique, Déclaration de Principe concernant les Forêts.
De son côté, l'Union Européenne se dotait d'une directive
dite "Habitats" ou "Natura 2000" relative à la
conservation de la diversité biologique.
Douze ans après, le débat continue de faire rage entre partisans
et détracteurs de cette directive qui s'achemine difficilement vers
un début d'application.
La Loi Forestière de 2001, ayant mis les textes français en
conformité avec les engagements internationaux de la France, a fait
apparaître une volonté de gérer les forêts de manière
durable et de favoriser leur biodiversité.
Le CRPF d'Aquitaine, en accord avec la Direction Régionale de l'Environnement
et le Conseil Régional, a souhaité contribuer à la clarification
de la directive dite "Natura 2000" en rédigeant un
guide des milieux forestiers et des principaux "habitats" permettant
aux sylviculteurs, mais aussi à un public plus large, d'aborder ce
débat en connaissance de cause.
Le travail que nous nous présentons est d'abord le fruit d'une réflexion
collective appuyée sur un groupe de pilotage composé d'experts
reconnus ; il doit néanmoins beaucoup à la ténacité,
la compétence, ainsi qu'aux connaissances de Mlle Emmanuelle Christmann
qui en a rédigé l'essentiel.
Souhaitons que ce guide, dont le but est plus pédagogique que scientifique,
contribue à l'information d'un large public et à une meilleure
prise en compte de la diversité biologique dans les forêts d'Aquitaine.
1- Qu’est ce qu’un
habitat ?
Ce terme est devenu d’emploi courant depuis
la parution en 1992 de la Directive européenne "Habitats".
Un habitat naturel, ou milieu naturel, est un ensemble original de caractéristiques
stationnelles (géologie, pédologie, alimentation en eau, climat…)
assorti d’une certaine végétation (phytocénose)
et auxquels sont associées des espèces animales (zoocénose).
Ces dernières ne sont pas forcément spécifiques et fréquentent
souvent divers habitats afin de répondre à l’ensemble
de leurs besoins.
Un habitat comprend donc un biotope
(espace physique supportant la vie) et sa biocénose
(ensemble des êtres vivant de ce biotope).
Du fait de cette association, la taille d’un habitat peut être
très variable, de plusieurs hectares dans une plaine homogène
à quelques mètres carrés dans une petite vallée.
Chaque habitat est défini par une association végétale,
c’est-à-dire un cortège de végétaux caractéristiques
(bio-indicateurs). Dans ce guide, les habitats très proches par leur
végétation et leurs caractères stationnels ont été
regroupés. Plusieurs habitats juxtaposés peuvent être
interdépendants ; on parle alors d’habitats associés ou
d’écocomplexe.
Exemple : les bois de Bouleaux des zones tourbeuses, les saulaies marécageuses
et les aulnaies marécageuses sont trois habitats naturels élémentaires
que l’on peut souvent regrouper sous le type d’habitats "forêts
marécageuses".
2- Comment identifier un habitat
naturel ?
Les conditions stationnelles (topographie, sol…)
et le cortège floristique sont les deux principaux critères
qui servent à l’identification des habitats naturels. Les habitats
décrits, sauf mention spéciale, correspondent à des phases
matures de la forêt.
Dans ce guide, la description de chaque habitat forestier comporte une description
des principaux attributs de la station ainsi qu’une liste des espèces
végétales caractéristiques. Sur ce dernier point on s’attache
à rendre compte de l’étagement de la végétation,
ou structure verticale de la forêt, en identifiant des espèces
de la strate arborescente (végétaux de plus de 7 m), de la strate
arbustive (arbustes et jeunes arbres de 1 à 7 m) et de la strate herbacée
(végétaux de moins de 1 m). Dans cette dernière catégorie,
on peut trouver de petits végétaux ligneux, de jeunes plants
d’arbres ou d’arbustes ainsi que des fougères et des mousses.
Certaines grandes herbes pourraient entrer dans la strate arbustive mais elles
sont ordinairement rattachées à la strate inférieure
du fait de leur type biologique.
La reconnaissance d’un habitat
naturel doit s’effectuer sur une zone homogène, du point de vue
de la topographie et du peuplement : la végétation doit être
de physionomie identique sur toute sa surface. On évitera par exemple
de choisir une zone entre deux peuplements ainsi que les abords de chemins
ou de talus qui présentent une flore à part.
Les clefs de détermination des habitats forestiers, placées
en tête de chaque chapitre, permettent une identification par élimination.
3- Pourquoi les habitats sont-ils
si différents sur le terrain ?
Exemples :
•
Les chênaies-hêtraies du Piémont
pyrénéen sont des habitats naturels qui peuvent prendre la
forme de nombreux
sylvofaciès
: futaie de Chêne pédonculé, taillis
de Charme sous futaie de
Chêne, taillis
simple de Charme, transformation en plantation de feuillus précieux,
de résineux ou
de vergers de Châtaignier.
•
Les châtaigneraies actuelles, étendues dans notre région
entre les 16e et 18e siècles, ne sont
pas considérées
comme des habitats naturels mais comme des sylvofaciès d’autres
habitats tels
que les chênaies.
La diversité des sylvofaciès
d’un habitat est telle qu’il n’est pas
possible de fournir une description de chacun d’entre eux. La consultation
d’ouvrages plus détaillés, voire d’un expert, est
parfois nécessaire, surtout lorsque les modifications par rapport à
l’habitat naturel potentiel ont été importantes.
Le chapitre sur les forêts cultivées reprend ces explications
et décrit les forêts de substitution couramment présentes
en Aquitaine.
4- Qu’est ce que la valeur
patrimoniale d’un habitat ?
C’est la valeur du patrimoine naturel au regard de divers critères
comme la biodiversité, la représentativité, la rareté…
La valeur patrimoniale change en fonction de l’échelle à
laquelle on se situe. Il existe des habitats naturels simplement "représentatifs"
(fréquents, étendus, à flore commune…) et des habitats
"remarquables".
Pour dégager les types remarquables
des types représentatifs on utilise plusieurs critères :
•
La rareté : absolue ou relative.
•
La biodiversité : richesse en espèces végétales
différentes (en
particulier
en espèces rares), capacité à héberger une faune
variée.
•
Le caractère relictuel : habitat hérité d’une époque
où le climat était
différent
et qui s’est perpétué dans des conditions écologiques
marginales.
•
Le caractère résiduel : milieu ayant disparu dans une grande
partie
de
son aire potentielle à cause des activités humaines
(ex.
: ripisylves), ou à cause des modifications des conditions
écologiques.
•
Le rôle de protection (ex. : forêts de montagne).
La notion d’échelle est
fondamentale car un habitat peut être rare à l’échelle
régionale mais abondant à l’échelle européenne
et l’inverse est vrai (exemple : chênaies à chêne
tauzin). Il peut aussi être remarquable à tous les niveaux.
Dans ce guide la valeur patrimoniale au niveau régional (VPR) des habitats
naturels est représentée ainsi :
l’habitat est bien représenté, ou est constitué d’une
flore commune.
l’habitat occupe de faibles surfaces, est faiblement représenté
ou possède une flore remarquable.
l’habitat est très rare à l’échelle de l’Aquitaine,
la flore est hors du commun.
Remarque : il peut arriver qu’un habitat dont la
valeur patrimoniale est très élevée à l’échelle
régionale ne soit pas concerné par la Directive européenne
"Habitats".
5- Qu’est ce que la biodiversité
?
Les forêts du monde hébergent un
grand nombre d’espèces vivantes. Elles sont généralement
considérées comme étant parmi les plus riches milieux
naturels. Cette diversité biologique ou "biodiversité"
varie selon l’échelle utilisée (l’arbre, la station
forestière, le massif…) et selon la durée envisagée
(dynamique des milieux, perturbations). Elle peut n’être que
partiellement connue.
7- Qu’est ce que la Directive
européenne "Habitats" et Natura 2000 ?
La France héberge 133 des 198
types d’habitats naturels dits d’intérêt communautaire
et 140 des 704 espèces animales ou végétales inscrites
dans l’Union Européenne. Certains des habitats naturels cités
dans ce guide sont concernés par la Directive "Habitats",
ils sont alors signalés ,
et lorsqu’ils sont de surcroît prioritaires le drapeau est encadré
en rouge
.
Les habitats naturels concernés
par la Directive "Habitats" ont fait l’objet de plusieurs
ouvrages de référence qu’il conviendra de consulter avant
de se lancer dans un diagnostic ou une étude précise. Vous y
trouverez un certain nombre de recommandations sur les itinéraires
sylvicoles à suivre pour préserver la richesse des milieux et
pour agir dans une optique de gestion durable.
Il existe aussi plusieurs catalogues de station, portant sur des régions
naturelles particulières. Ils sont consultables au siège du
CRPF*, à Bordeaux.
Pour plus d’informations sur le réseau Natura 2000, consultez
le site Internet du Ministère de l’Ecologie et du Développement
Durable (http://natura2000.ecologie.gouv.fr/)
ou contactez la Direction Régionale de l’Environnement Aquitaine.
* Centre Régional de la Propriété Forestière.
Cette Directive du 21 mai 1992 a pour
objectif de contribuer à préserver la diversité biologique
sur le territoire de l'Union européenne. Pour ce faire, les états
membres se doivent d’assurer la conservation des habitats naturels ainsi
que de la faune et de la flore sauvages, présents sur leur territoire.
Un certain nombre d’habitats et d’espèces, dont l’aire
de répartition naturelle est considérée comme faible
ou restreinte sur le territoire de l'Union Européenne, sont dits d’intérêt
communautaire. Certains habitats et certaines espèces, en danger de
disparition ou dont l’aire de répartition principale se trouve
dans les pays de l’Union Européenne, sont inscrits comme prioritaires.
A chacun est attribué un code de 4 chiffres permettant sa classification.
Les
correspondances entre codes "Directive Habitats" et codes CORINE
sont données dans un tableau placé à la fin du guide.
Deux grands types d’actions sont mis
en œuvre au regard de cette Directive
"Habitat" :
•
La constitution d’un réseau de sites
dénommé
"Natura 2000".
Les
sites choisis abritent
des
habitats naturels et des habitats
d’espèces
d’importance
communautaire.
•
Suite à la constitution d’un
document
d’objectifs
négocié
avec
les propriétaires et les usagers,
chaque
site devient une "Zone Spéciale
de
Conservation" (ZSC).
Lorsqu’un habitat est concerné
par cette Directive, il ne fera l’objet de mesures de suivi et/ou de
protection que s’il est inclus dans une Zone Spéciale de Conservation
(ZSC) du réseau Natura 2000. Hors ZSC, il n’en reste pas moins
un habitat remarquable qui mérite souvent une attention particulière.
Avant
propos d'Yves Lesgourgues, Directeur du CRPF d'Aquitaine
Certaines plantes, dites indicatrices,
permettent d’apprécier le degré d’alimentation en
eau et la richesse du sol. Les plantes ayant le même caractère
indicateur sont rassemblées en groupes écologiques et permettent
un diagnostic de terrain assez facile et rapide. Les principales espèces
ou groupes d’espèces sont décrites en annexe. Il est bien
entendu que la présence d’une seule espèce indicatrice
n’est pas suffisante à l’identification d’un habitat
et que c’est l’ensemble des critères décrits qui
doit être pris en considération.
Les
conditions stationnelles naturelles (topographie, sol…) présentent
parfois une forte variabilité spatiale, surtout en montagne. D’autre
part, l’homme est intervenu dans les milieux forestiers depuis de nombreux
siècles, que ce soit de manière directe (récolte de bois…)
ou indirecte (pâturage…). Ces actions ont eu un impact sur la composition
du cortège de végétaux et l’ont souvent orientée
en faveur des espèces qui nous étaient ou nous sont utiles. D’autres
actions ont parfois modifié les conditions stationnelles de manière
irréversible.
C’est pourquoi, il n’est pas rare que les habitats forestiers se
présentent sous des formes très éloignées des descriptions
faites dans ce guide et que leur identification en devienne parfois malaisée.
Dans ce cas, il peut s’agir de la phase pionnière d’une reconquête
naturelle de surfaces défrichées il y a plus au moins longtemps,
ou de la reconstitution progressive d’un habitat après perturbation
(tempête, incendie…). Il peut aussi s’agir de sylvofaciès,
c’est-à-dire de peuplements dont la composition est directement
liée à la gestion passée ou actuelle et qui l’éloigne
temporairement de son état de maturité.
Les
habitats "remarquables" peuvent être :
•
d’intérêt régional car peu fréquents, peu étendus,
avec une flore originale à l’échelle de la région,
•
d’intérêt national car rares, peu étendus, avec des
espèces protégées à l’échelle de la
France,
•
d'intérêt communautaire, parfois prioritaires, au regard de l’Union
Européenne
(Directive
européenne "Habitats").
La
diversité génétique au sein d’une espèce,
la diversité des espèces animales et végétales,
la diversité des habitats, la diversité des paysages, la diversité
de structure, la diversité de fonctionnement sont autant de facteurs
de biodiversité.
Aujourd’hui, la conservation de la biodiversité est abordée
à la fois comme une question d’éthique (conservation de
nos patrimoines naturels pour les générations suivantes), comme
une question scientifique (maintien du fonctionnement des écosystèmes)
et comme une question socio-économique (utilisations encore à
découvrir des espèces végétales et animales, notamment
dans le cadre de la recherche de principes actifs pour les médicaments).
h
Objectifs
du guide
Les termes généraux de "massif
forestier" ou de "forêt" cachent en fait une grande
complexité de milieux qu’il convient de plus en plus de connaître
et d’évaluer.
La forêt est une vaste mosaïque d’écosystèmes
qui comprend de multiples habitats forestiers en liaison directe avec
des habitats associés (pelouses, prairies, landes, clairières,
éboulis, marais…). Ce guide des milieux forestiers a pour
vocation d’aider à la connaissance de cette diversité
tout en se situant à un niveau intermédiaire entre les ouvrages
généraux de découverte des milieux naturels et les
ouvrages spécialisés, souvent réservés à
l’usage des professionnels.
Ce document est donc un ouvrage de vulgarisation qui synthétise
les données existantes à l’échelle de l’Aquitaine.
Comme dans toute synthèse, il est possible que certains détails
ne figurent pas et que quelques habitats très rares et méconnus
ne soient pas décrits. Dans ce cas, pour obtenir un complément
d’information, il est recommandé de se reporter à
des ouvrages plus complets dont les références figurent
en annexe.
Les
cahiers d’habitats Natura 2000
(7 tomes). Œuvres collectives, la documentation française.